Dans le Cotentin, les blockhaus sous les bombes pacifiques des graffeurs cherbourgeois
Les graffeurs cherbourgeois Blesea et Baby-K se sont spécialisés dans le très grand volume. Les blockhaus sont devenus une cible. Ils viennent de rhabiller celui de Fermanville et c’est géant.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La batterie du Brulay à Fermanville sous les yeux de Baby.K et Blesea avant leur intervention. | MOGABPRODUCTION
25 kg. C’est, bon poids belle mesure, ce qu’a nécessité en peinture la batterie du Brulay à Fermanville pour se refaire une beauté. Plus un centimètre carré de béton brut. Entièrement repeinte de gris et de bleu par deux graffeurs cherbourgeois, qui l’ont fait muer en une machine tout droit sortie de l’imagination de George Lucas pour la Guerre des étoiles.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 2015, Baby-K s'était lancé en solo dans l'aventure blockhaus sur la plage d'Urville. | MOGABPRODUCTION
D’une guerre, donc, l’autre. De la Seconde, au siècle dernier, à l’imaginaire d’un futur lointain. Un engin d’une galaxie improbable supplante une construction de 1936 bien vite tombée aux mains des Allemands, en un effet visuel sidérant. Depuis la bonne vingtaine d’années qu’ils se connaissent et leur premier stage graffitis suivi ensemble à la Brèche du bois à Tourlaville, Blesea et Baby-K ont cavalé à grandes enjambées sur les moyens d’expression de la rue.
« L’intérêt des volumes »
La quarantaine approchant, la bombe de peinture est devenue le prolongement de leur regard, de leur main, et, si les surfaces planes offertes par les murs restent leur « quotidien », ils s’encanaillent volontiers dans des friches industrielles et, depuis 2015, des blockhaus. Ils ont sévi – ensemble ou en solo – à Urville-Nacqueville, Jonville, Biville, et viennent de terminer leur dernière œuvre commune. Pile la semaine des commémorations du D-Day, même si c’est pur hasard : « On avait prévu de peindre ce blockhaus avant le confinement mais… Et on s’est retrouvés autour de la date du 6 juin. Il y a trois ans, en revanche, on avait fait un truc exprès, au même endroit, en l’ornant du clocher de Sainte-Mère et de son parachutiste. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ils ont donc dû se claquemurer entre l’envie et la mise en pratique. Et attendre des jours meilleurs pour retrouver leur moyen d’expression favori, sur l’un des supports qu’ils redéfinissent en moyenne une fois par an. « Quand on fait du graff, note Baby-K, on pense forcément à sa photo parce que la peinture qu’on fait, souvent, on ne la revoit jamais. On graffe le mardi, et le mercredi un mec a repeint dessus. Alors le blockhaus, on se l’imagine d’abord terminé, avec la mer qui monte, en réfléchissant à l’image. »
« L’aspect volumes est intéressant, poursuit Blesea. Näutil (autre graffeur connu) en avait déjà recouvert mais sans véritablement utiliser les volumes et son travail d’un œil qui regardait la mer avait été un peu médiatisé. Puis Kevin (le prénom de Baby-K) a fait son blockhaus à Urville et là, s’est ouvert un champ de choses qu’on n’avait jamais exploitées. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En 2015, Baby-K s'était lancé en solo dans l'aventure blockhaus sur la plage d'Urville. | MOGABPRODUCTION
Dès lors, les deux compères ont « visualisé ces constructions de manière différente, dans leur volume, dans la forme qu’elles présentent ». Passage de l’art en 3D, « une mécanique de réflexion s’est installée ». Avec aussi, dans un coin de la tête, cette envie de « revisiter ce qui représente plutôt des verrues sur le littoral ». Le beau plutôt que le brut.
Et une communauté de fans qui va grandissante : « Leur redonner vie nous a permis de faire parler de notre région en revisitant l’Histoire. » Reconnaissance suprême, des enseignants utilisent leurs œuvres comme points d’appui à leurs cours. Pas mal, pour un art qui, il n’y a encore pas si longtemps, était considéré comme mineur et pratiqué par des gens peu fréquentables…
Ouestfrance.